"Je suis allé voir"

« Les herbes sèches » film turc de Nuri Bilge Ceylan. 3H17 pour voir, peut-être, le meilleur film de ce cinéaste considéré par certains comme l’un des plus importants, ce n’est pas trop long si vous acceptez d’avoir un peu mal aux fesses, mais ce léger désagrément n’est rien comparé à la qualité de ce long métrage !

Quasiment pas de musique pour soutenir l’intrigue qui s’en dispense aisément. Comme toujours chez Ceylan l’image est superbe – le contraste saisissant entre les extérieurs enneigés et la lumière chaude et dorée des intérieurs intimes - mais le plus important réside dans les interrogations existentielles qui placent les principaux protagonistes dans une zone d’inconfort qui les amène à une introspection utile à infléchir leur vision de la (leur) nature humaine, voire leur comportement.  

 Soit trois enseignants vivant au coeur d’une Anatolie rurale propice à une forme de désenchantement. Des évènements actuels et universels viennent les bousculer sur leurs chemins respectifs. La réflexion qui les agite est complexe, mais toute réflexion peut-elle être simple ? Si elle arrive à modifier leur regard vers une prise de conscience bénéfique, élargissant leur vision des autres, c’est constructif mais non définitif…

Une scène mettant face à face Samet (le prof désabusé et un peu lâche) et Nuray (l’enseignante militante) m’a interrogé et quelque peu ébranlé mes propres certitudes. Quand il nous montre de bons films, ce cinéma a aussi ce rôle là. Dans une séquence qui peut dérouter - sorte de mise en abyme - Ceylan nous rappelle que nous voyons un film de fiction, mais que cela ne nous empêche pas de rester captivés par cette histoire profitable à notre propre réflexion.

 Je n’oublie pas Sevim, jeune adolescente hardie qui pourrait bien incarner une part de la Turquie de demain…